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Intervention en Syrie ? - par Jacques Peccatte

Face au désastre syrien qui fait réagir la communauté internationale avec deux ans et demi de retard, quelques commentaires :


Depuis l’enchaînement des Révolutions arabes dont la contagion s’est portée jusqu’en Syrie, dernier pays avec le Yémen, où le processus s’est bloqué, l’attitude meurtrière de Bachar el-Assad a provoqué un grand émoi dans le monde, mais pour autant, aucun Etat ni aucune entente d’Etats, n’a su engager une démarche en matière de diplomatie, de restrictions, de blocus ou de corridors humanitaires. Et si, bien entendu, le conseil de sécurité de l’ONU comprenant entre autres pays la Chine et la Russie, ne pouvait adopter une position commune, la guerre interne à la Syrie a suivi son cours sans la moindre ingérence extérieure. Il a fallu le franchissement de cette fameuse ligne rouge (utilisation des armes chimiques) pour que l’on décrète enfin qu’il y avait quelque chose d’inadmissible et pour envisager, peut-être, une intervention dont on ne sait où elle mènera. Dans l’absolu, on peut certes s’interroger sur cette ligne rouge, car massacrer sa propre population, que ce soit par des bombardements ou avec des armes chimiques, cela ne fait pas une grande différence quant aux victimes qui meurent (ou survivent) dans d’atroces souffrances, de toute façon. La réalité la plus criante c’est « massacrer sa propre population », ce sur quoi aucune entente internationale n’a cherché à prendre de réelles mesures jusqu’alors.


Et si l’on considère maintenant le projet de riposte étatsunien et français, il n’est prévu qu’en tant que coup de semonce pour intimider le dictateur, et il n’est pas question pour autant de tenter de le destituer. Croit-on réellement que cela va l’intimider ? Et ensuite que faire de plus ? Quelles seront les réactions des Etats environnants et éventuellement de la Russie ? Quelles nouvelles alliances et coalitions pro ou anti Bachar vont se constituer ? C’est l’inconnue totale ou presque, et face à des dangers futurs que personne ne parvient à réellement mesurer, le président Obama en appelle au vote du Congrès. Bien qu’il se soit montré décidé au final, on peut simplement se demander s’il est lui-même intimement convaincu du bien fondé de cette intervention voulue par son entourage.


Concernant tous les commentaires journalistiques et politiques, je reste interloqué en entendant une ridicule comparaison qui revient sans cesse dans tous les propos et discours. On compare le cas syrien à celui de l’Irak, là où l’on avait pris pour prétexte l’existence d’armes de destruction massive, afin de déclencher une intervention guerrière qui sentait visiblement le pétrole. Mais quel rapport peut-on donc faire entre l’Irak d’hier et la Syrie d’aujourd’hui. Dans le premier cas, l’Irak n’était pas un pays en guerre, sinon qu’il subissait de temps à autre quelques frappes étatsunienne d’intimidation qui, on ne sait pourquoi, faisaient suite à la précédente guerre du Golfe. Il n’y avait pas de conflit interne ni de guerre civile, et donc aucune nécessité à intervenir, ce qu’avait d’ailleurs bien compris le pouvoir français de l’époque, lorsque Dominique de Villepin à l’ONU prononçait son fameux plaidoyer de non intervention. Il n’y avait qu’un prétexte, celui des introuvables armes de destruction massive, servant des intérêts américains inavouables au Moyen Orient. C’était donc une guerre strictement interventionniste, sans objet pacificateur, puisqu’il n’y avait rien à pacifier à ce moment précis, et qui a créé la plus grande confusion dans un pays qui sans doute n’était pas un modèle, mais qui de ce fait s’est trouvé durablement dans une grave instabilité que cette intervention a provoquée. Sans compter les victimes, les souffrances, et le développement de divers courants fondamentalistes qui ne sont que les conséquences de cette désastreuse intervention.


Et l’on voudrait comparer cela à la situation actuelle de la Syrie, résultat du soulèvement d’un printemps arabe qui a mal tourné, engendrant une guerre interne entre deux parties d’une population (les soutiens du pouvoir en place et les opposants au régime), une population coupée en deux. On pense même désormais, que, les fondamentalistes de toutes sortes ayant pu se développer dans l’opposition, leur prise de pouvoir éventuelle engendrerait également le chaos pour longtemps.


Enfin non ! On ne peut pas comparer les ingérences américaines du passé avec une éventuelle intervention de demain, du fait que la situation syrienne est inédite en elle-même n’ayant rien à voir avec les ingérences passées en Afghanistan ou en Irak. Si les armes introuvables de Saddam Hussein étaient un fallacieux prétexte guerrier pour le gendarme du monde, on ne voit pas bien pour quels profits et quels avantages à en retirer, les Etats Unis d’aujourd’hui, sous prétexte d’armes chimiques (existantes celles-ci), iraient à nouveau guerroyer au Moyen Orient pour le plaisir.


Cela dit, l’on reste évidemment dans une situation qui pourrait être gravissime étant donné les enjeux et conséquences inhérents aux pays environnants comme l’Iran, le Liban et Israël. Et bien malin qui pourrait prédire quoi que ce soit d’un futur incertain si une intervention avait lieu. Il y a suffisamment de spécialistes pour envisager toutes les répercussions possibles sur le plan international, et ce ne sera pas de notre compétence en tant que spirites d’en pousser plus loin l’analyse. Certaines personnes attendraient peut-être que par la voix des esprits, il y ait des prédictions, comme on nous l’a souvent demandé sur tel ou tel sujet ; ce qui reste une attente fantaisiste, dans la mesure où l’avenir n’est écrit nulle part, qu’il s’écrira dans les jours à venir à partir de décisions humaines, et surtout à partir du vote – pour ou contre – au Congrès américain. La marche du monde ne se prédit pas, elle se réalise au jour le jour, et en fonction des bonnes ou mauvaises décisions, le cours des choses reste dépendant de choix qui jusqu’à maintenant n’on pas toujours été des meilleurs en matière de politique internationale. Mais admettons tout de même que la prudence et les hésitations de Barack Obama sont de loin préférables aux outrances guerrières de son prédécesseur…


Et s’il y avait peut-être une voix qui aurait notre faveur, ce serait celle de Dominique de Villepin, qui, et c’est fort dommage, s’est fait très discret ces temps-ci, et qui persiste à dire depuis le début du conflit syrien (mars 2011), qu’il y a des voies non explorées au niveau de la diplomatie et de différentes contraintes qui auraient pu s’imposer au maître de Damas, sans envisager d’intervenir militairement.

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