L'Europe et la crise de la conscience humaine - par Igor Manouchian
Austérité, croissance, voici les maîtres mots mis en avant pour recréer une dynamique économique en Europe et faire front ainsi à la crise mondiale. Le pouvoir semble être tombé dans les mains des marchés financiers. Le monde politique tergiverse, hésite quant à redéfinir une orientation qui soit en rapport avec le besoin des peuples constituant le bloc européen. Ces besoins sont nombreux et avant tout, s’il s’agit de redonner de la dignité aux hommes et aux femmes pris dans les griffes du chômage, ce doit être dans une prérogative qui prend la main sur les intérêts boursiers. Choisir entre l’homme ou l’argent voilà la question qui ne devrait pas se poser si les responsables à la tête des instances dirigeantes agissaient de concert à travers le prisme des valeurs universelles des droits de l’homme, de la charte européenne qui définit la place et le rôle de chaque nation au sein de l’entreprise continentale. Un pays si riche soit-il, ne peut à lui seul résoudre le désastre provoqué par l’endettement ainsi que la catastrophe idéologique qui s’annonce avec la résurgence des racismes et autres relents néo-nazi. C’est donc parallèlement, une misère spirituelle qui apparaît où le fatalisme ambiant tue dans l’œuf les espérances d’une vie meilleure. Comme si chacune et chacun, recroquevillé dans la crainte de l’avenir, ne voyait plus qu’à partir d’un seul désir, non plus de vivre mais de survivre dans ce chaos social. Est-ce à dire que le rôle du pouvoir européen doit changer ? Doit-il remettre en cause le fondement même de son assise historique ?
L’Europe économique naît à partir d’une idée, celle de Jean Monnet dans laquelle il s’agissait de mettre en commun les productions de charbon et d’acier (CECA). Il la soumettra au ministre des Affaires Etrangères Robert Schuman, est sera rendue publique le 9 mai 1950, sous l’appellation de « Déclaration Schuman ». Le texte représente l’acte de naissance de l’Union Européenne et stipule que « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». Cette union de l’Allemagne, de l’Italie, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la France, est officialisée par le Traité de Paris, signé le 18 avril 1951. La suppression des droits de douane et des restrictions à la circulation de ses matières premières prend effet le 23 juillet 1952. C’est ensuite le 25 mars 1957 que sont signés le traité de Rome et le projet d’élargissement de la Communauté au Royaume-Uni. L’idée d’Etats unis d’Europe fait son chemin mais Charles De Gaulle plus tard, tiendra, en ajoutant au plan industriel une politique agricole commune (PAC), à stipuler son attachement à une certaine idée de l’Europe, celle d’une libre association d’Etats souverains et s’opposera toutefois catégoriquement à la supranationalité : « Dante, Goethe, Chateaubriand n’auraient pas beaucoup servi s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelque esperanto ou volapük intégrés" . Il conçoit l’Europe comme un espace d’entraide et de solidarité, où aucun membre n’abdique pas de son identité nationale et des prérogatives de sa souveraineté. Une pensée certes fondée sur la nation, mais qui reconnaît dans l’Europe pacifiée et prospère le seul avenir possible des nations d’Europe, face aux dramatiques guerres du passé et aux enjeux internationaux du présent.
Extrait d’un message reçu en séance en 1985 :
« … Il est pourtant une solution à cette situation et cette solution là, un homme, Robert Schuman avait su, en son temps, l’entrevoir parce qu’il savait bien ce qui arriverait. Cet homme-là a désiré l’Europe, il a désiré l’unité des peuples européens afin que l’ensemble des peuples de cette Europe nouvelle puisse apporter un équilibre pacifique.L’équilibre de l’union soviétique et des Etats-Unis d’Amérique aurait pu et aurait dû en tenir compte, c’était là le désir de Robert Schuman, mais la traduction de son désir ne s’est pas manifestée de façon réelle car, chacun le sait, les intérêts l’emportent sur le désir d’unité, les particularismes de toutes sortes jaillissent comme des remparts qui empêchent le triomphe de l’harmonie européenne. L’idée par conséquent, ne s’est pas réalisée de façon concrète. Elle reste juste cependant et elle peut encore se développer, ce que Charles De Gaulle avait lui-même deviné en apportant à ce désir européen une dimension encore plus grande lorsqu’il avait affirmé devant les Etats-Unis d’Amérique l’existence possible d’une Europe qui s’établirait alors de l’Atlantique jusqu’à l’Oural. Il s’agissait là non pas d’une idée hégémonique mais d’un discours visionnaire qui savait tenir compte de l’histoire des peuples, de leur civilisation respective mais aussi de leurs alliances possibles. Il est vrai que pour voir plus loin, encore faudra-t-il qu’un jour cette planète ne connaisse plus de frontières mais nous n’en sommes pas là et, pour ne pas en être là, il faut encourager les idées unitaires, il faut encourager les manifestations humaines, qu’elles proviennent d’un groupement ou de certains chefs d’état qui tendent à vouloir construire une Europe plus unie et à vouloir effacer progressivement les frontières que vous subissez encore… »
Aujourd’hui les nuages de la guerre s’amoncèlent et les options de réarmement se précisent au titre de la sacro-sainte nécessité d’anticiper une défense contre d’éventuelles attaques de missiles et de bombes à l’uranium. On évoque aux Etats Unis un bouclier spatial et terrestre aux prix de sommes astronomiques qui ne peuvent faire l’affaire des peuples qui ont des préoccupations sociales. L’Europe ne doit pas imiter ces politiques extérieures des USA et il serait plus juste et raisonnable d’anticiper d’autres voies notamment celle du désarmement unilatéral progressif. C’est là la condition d’une pacification des relations entre gouvernants des pays afin de mutualiser les actions politiques, non au profit de l’argent et des marchés financiers, mais des hommes et des femmes qui demandent à vivre dans un monde plus équitable. Les outils de la culture, de la recherche, de la science et des philosophies sont à portée de mains des bonnes volontés pour, non plus diviser les êtres, mais les réunir dans ce qu’il y a de commun. Sans vouloir uniformiser le savoir, il faut à l’homme nouveau un axe d’avenir qui rassemble et unifie les intelligences et les cœurs. Alors la proposition spirite s’inscrit dans cette perspective car elle dit à l’homme qu’il peut construire ses rêves sur la base d’un temps qui dépasse sa propre condition physique. Le spiritisme révèle l’existence de l’âme et sa survie au-delà de la mort, ce qui implique qu’il y a dans l’au-delà des esprits ayant appartenu à l’histoire du monde qui continuent d’agir et de se préoccuper de notre planète. Alors dans cette addition entre le visible et l’invisible, entre les vivants et les morts, entre les esprits et les hommes, il y a tout lieu de considérer que nous ne sommes pas seuls. Ainsi les frontières s’ouvrent autant dans les consciences que sur l’idée que tout homme vit sous un même soleil. La communication avec les esprits désincarnés engendre une réflexion sur le possible. En effet, si nous savons ce qu’il se passe en Syrie par exemple, on assassine un peuple, un dictateur refuse d’admettre sa responsabilité, si nous nous préoccupons de la Palestine et de son peuple enfermé à Gaza comme dans une prison à ciel ouvert, si nous pensons qu’un Poutine soutient les réseaux mafieux, les dictatures pour vendre des armes, si nous souhaitons que ces positions inacceptables soient combattues, nous pouvons adresser nos pensées, nos prières à ceux qui de l’autre côté de la vie tentent d’influencer les décideurs vers des voies plus constructives. Le monde des esprits n’est pas une réunion d’anges qui attendent ou contemplent les hommes, mais une addition de forces vives et spirituelles qui ressentent toutes les peines et les joies de la nature humaines. Ceux qui furent les exemples du passé, des hommes et des femmes qui ont lutté en France et dans le monde pour des causes justes, continuent de penser avec une conscience élargie au devenir de la terre. L’Europe de Monnet et Schuman s’inscrit dans une volonté de paix, d’échange et de fraternité, celle de De Gaulle englobe les peuples de l’Est dans une logique géographique et culturelle. Son rôle pour rapprocher les deux hémisphères dans une construction mondiale est donc de mise aujourd’hui car cela aura pour avantage de juguler les discours sur l’immigration et alors, il s’agira pour les décideurs européens d’envisager une politique d’aide au développement réelle envers les peuples du sud.